Ça faisait déjà quelque temps que trottait dans ma tête cette idée de partir en Australie pendant 1 an. J’essayais pourtant de faire taire cette petite voix en me disant que ce genre de projet était hors d’atteinte pour moi. Je laissais la peur gruger mon rêve parce que l’inconnu, ça l'effrayait mon cœur de jeune femme de 19 ans. Ayant toujours vécu en banlieue, je sentais que les maisons copiées-collées de mon voisinage me donnaient à la fois un mal de tête et une impression de sécurité. Je me demandais souvent ce que ces voyageurs avaient de plus que moi, parce que j’avais moi aussi cette petite flamme d’aventure qui brûlait dans mon foyer intérieur.
C’était la dernière journée pour s’inscrire à l’université et mes parents étaient partis en voyage d’amoureux à Cancún. J’étais assise devant mon ordinateur, indécise par rapport à mon choix de programme. J’ai réalisé à ce moment que ce n’était peut-être pas ce que je devais vivre présentement ; si l’université était réellement ce dont j’avais envie, je me serais inscrite dès la première journée. Mon père me disait souvent «certains ont peur et le font tandis que d’autres ont peur et ne le font pas». Je voulais faire partie de la première catégorie, j’avais envie de laisser pousser de jolies fleurs à l’extérieur de ma zone de confort. En fait, je n’avais rien de moins que tous ces gens qui partent longtemps à l’étranger, je devais juste me lancer moi aussi dans la beauté du vide. J’ai donc décidé de ne pas m’inscrire afin de n’avoir aucun autre plan sauf celui de mettre en avant-plan ce rêve que j’avais laissé trop longtemps dans les tiroirs de ma tête. Pas besoin de vous dire comment mes parents ont réagi lorsqu’ils sont revenus de Cancún. C’est sûr que d’apprendre que ton enfant ne veut plus étudier pour partir à l’autre bout de la planète « ça l’étire le cordon ombilical » comme dirait ma mère.
C’est à partir de ce moment que j’ai commencé à valser avec le vide. Mon cœur faisait une drôle de chorégraphie incontrôlable qui me faisait swigner entre la peur de l’inconnu et d’intenses moments d’euphories. Mon cerveau quant à lui faisait des allers-retours entre la terre et la planète de mes anticipations. Je pouvais voyager dans mon imagination pendant des heures et croire qu’il ne s’était écoulé seulement que quelques minutes - j’avais l’impression de perdre la notion du temps, comme si j’étais en suspend dans l’espace. Je me rappelle encore la chaude journée d’été où j’ai concrétisé le tout en achetant mon billet d’avion. Lorsque la transaction a été approuvée, j’étais assise sur le gazon dans ma cour et des larmes coulaient sur mes joues. Je crois encore à ce jour que c’est un des plus beaux moments de ma vie; le sentiment de réaliser un rêve que tu portes depuis si longtemps est tout simplement magique et indescriptible à la fois.
En septembre, l’école avait recommencé pour la plupart de mes ami.es et je travaillais dans une microbrasserie en attendant impatiemment que le jour J arrive et que je parte avec mon sac à dos vers l’aéroport. Parfois, j’avais le vertige en regardant mon entourage qui semblait faire partie du même banc de poissons, celui que je venais tout juste de quitter. Par contre, l’excitation reprenait toujours le dessus - pour la première fois je sentais que je prenais une décision pour moi. On passe de la garderie à l’université sans se poser trop de questions. Ça nous garde le cœur tranquille, mais est-ce que ça nous fait vivre? J’avais envie de découvrir autre chose que la banlieue dans laquelle j’avais grandi – j’avais envie d’ajouter des fleurs d’un pays lointain dans mon jardin intérieur.
La veille du départ, j’avais de la difficulté à croire que ma décision spontanée du mois de mars allait me mener bientôt jusqu’à mon siège assigné dans un avion en direction de l’Australie. J’étais aussi un peu surprise de m’apercevoir que j’avais réussi à économiser beaucoup pour mon départ, moi qui n’avais jamais vraiment considéré la gestion de mon portefeuille comme une grande force. Ma mère m’a invité à aller au restaurant pour mon dernier souper au Québec, je me suis dit que j’allais faire mon sac après. Bien entendu, nous avons pris quelques bouteilles de vin et je me suis retrouvée pompette dans ma chambre, incapable de faire quoique ce soit. Sarah et Félix L-M, mes deux précieux amis, sont venus à ma rescousse. Ils m’ont géré à merveille, mais ils ont aussi été d’une aide inestimable pour organiser mon sac. Vous auriez dû voir la quantité de choses inutiles que j’essayais d’y faire rentrer. Sarah est restée dormir collée avec moi pour les quelques heures restantes avant de partir vers l’aéroport. Au réveil, elle avait une bouteille de champagne à la main comme à son habitude pour tous les moments importants. Nous sommes parties dans la nuit vers l’aéroport Sarah, mon papa, mon amie Érika et moi.
Par un drôle de hasard, mon ami Xavier partait pour un long voyage en Asie la même journée et on s’est retrouvé tous les deux en attente de notre vol à l’aéroport. C’était une coïncidence magique qui faisait un grand bien à nos cœurs qui battaient beaucoup plus vite qu’à l’habitude. Quelques heures plus tard, j’étais assise près du hublot en regardant Montréal disparaître sous les nuages.
J’avais décidé de faire une escale d’une journée à Hawaii puisque les vols étaient beaucoup moins chers, mais aussi pour voir mon ami Félix D. qui se baladait sur Big Island depuis quelques semaines déjà. Le lendemain, j’étais de retour à l’aéroport direction The Land Down Under. Par un beau hasard, j’étais seule dans ma rangée de bancs dans cet énorme avion pour 10h20 min. Je me rappelle avoir pris une grande respiration de bonheur et d’excitation lorsque je sentis les roues se soulever du sol.
Je n’avais encore aucune idée de tout ce que j’allais vivre.
Tome 2 à suivre…
Cam
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